KO KO MO & TAHNEE
Votre groupe entretient un rapport très fort aux bars culturels. Comment avez-vous découvert cet univers ?
K20 — Mon papa a commencé à jouer de la musique dans des bars, et je l’ai accompagné dès mes 3 ou 4 ans dans des cafés-concerts, comme le Tie Break [à Nantes]. J’ai des photos de tout ça, avec des gens qui fumaient dans la salle à l’époque ! Avant Ko Ko Mo, j’ai fait de la batterie dans plein de groupes qui ont souvent joué dans des bars, notamment lors de Culture Bar-Bars – les concerts de ce festival font partie de mes meilleurs souvenirs pour leur ambiance, leur folie. Je crois que Warren a d’abord vécu des expériences dans le public et en faisant des bœufs au Canotier…
Warren Mutton — Exactement, avec des jams très orientées blues. J’avais 13 ou 14 ans, et c’était très formateur. J’écoutais du Delta blues des années 1930-1940, c’est ce qui m’a mis un pied dans la musique. J’avais des doutes avant de me lancer, je me disais que je ne trouverais jamais personne en France qui écoute les mêmes groupes que moi, mais j’ai découvert dans ces bars, à Nantes, qu’il y avait toute une scène blues qui faisait venir des artistes américains. Même si mes parents n’étaient pas dans le milieu musical, j’ai eu la chance qu’ils m’encouragent, alors que certaines jams finissaient tard en semaine. Si je me levais bien le lendemain matin et si j’avais de bonnes notes, je pouvais y aller. J’ai fait mes armes là-bas. C’est là qu’être musicien est devenu une possibilité pour moi.
Pourquoi les bars ont-ils été importants à vos débuts ?
K20 — Vers 2012-2013, on jouait souvent au Dynamo, notre fief ! J’habitais juste au-dessus. Je me souviens de voir des gens collés à mes cymbales, aux amplis, dans un mélange de proximité et d’euphorie incroyable. Ça nous a apporté énormément.
Warren Mutton — C’est justement pour ça qu’on est aussi honorés d’être les parrains de cette édition. Ces endroits ont créé le ciment de notre formation et nous ont donné une grande liberté – musicalement, mais aussi dans le fait même de jouer juste à deux. On a pu se permettre des phases d’expérimentation et d’impro, de pousser dans ses retranchements le concept du duo.
K20 — Dans ces lieux, on ne peut pas tricher : le son est brut. C’est d’ailleurs quelque chose qu’on a très envie de refaire pour des occasions spéciales.
Warren Mutton — C’est une vraie école. La proximité fait qu’on va à la rencontre des gens, mais on se rencontre aussi soi-même. On ne peut pas se cacher, et on apprend à gérer plein de choses. Ces lieux de vie culturelle, il faut vraiment les préserver, les chouchouter, les chérir. Ce sont de véritables cocons de liberté.
Que diriez-vous au public du festival Culture Bar-Bars ?
Warren Mutton — Continuez de sortir ! Allez voir des concerts et plein de spectacles, pas forcément musicaux d’ailleurs ! On ne regrette jamais de sortir pour une activité culturelle : c’est ce qui nous montre que le monde bouge.
♦ Propos recueillis par Noémie Lecoq
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Quel a été ton premier contact avec les bars culturels ?
Tahnee — J’ai commencé à découvrir la richesse culturelle que peuvent proposer les bars quand je me suis mise au théâtre d’impro. Quand je suis arrivée à Paris, j’ai intégré la Ligue d’improvisation de Paris, la LIP. On se produisait beaucoup dans des bars qui avaient une prog artistique, notamment le Lou Pascalou. Ça nous permettait de tester notre humour, d’aller au contact d’un public qui n’était pas forcément là pour nous, et donc d’apprendre à s’adapter non seulement à la configuration de la salle mais aussi aux personnes qu’on a en face de nous, d’interagir avec elles pour les intéresser et les impliquer.
Ensuite, j’ai organisé les soirées Comédie Love, où on essayait de programmer des humoristes féminines, féministes, queer, etc. Nos toutes premières éditions se sont justement déroulées dans des bars.
Quand on est un artiste débutant et qu’on n’a pas encore accès à des scènes de théâtre ou de comedy club, les bars sont une vraie chance
Pourquoi ?
Dans le stand-up, ces scènes-là sont souvent des espaces de travail importants où l’on peut jouer avec la réaction du public, avec lequel on a un contact très direct. J’aime beaucoup cette intimité. Cette proximité peut faire émerger des impros, des blagues pas prévues. Ces endroits sont des laboratoires à idées et nous permettent de prendre le pouls de certains sujets de société.
À mes débuts, j’ai beaucoup collaboré avec des bars pour organiser des événements, et j’apprécie vraiment ces lieux précieux de rencontre, d’échange, de mélange des disciplines artistiques, de liberté de ton et d’exploration. Ils proposent aussi souvent de payer au chapeau, à prix libre, et c’est important pour le public qui ne peut pas toujours se permettre de mettre 20 euros dans une place de spectacle. Je pense que c’est primordial de faire vivre la culture et de maintenir son accès partout, pour tout le monde. L’avantage du stand-up, c’est qu’on a juste besoin d’un micro et d’un petit espace pour créer potentiellement quelque chose de magique
Quel message as-tu envie de transmettre aux spectateur·rices de cette nouvelle édition du festival Culture Bar-Bars ?
Aujourd’hui, beaucoup de gens regardent gratuitement de courts extraits vidéo de spectacles de stand-up via les réseaux sociaux. Je trouve que ça vaut le coup de sortir des écrans, de faire l’expérience d’aller voir les artistes en live, de prendre le temps d’écouter un spectacle entier. Ça permet souvent de faire de belles rencontres et de découvrir des univers différents du nôtre. De plus en plus de bars sont en danger et peinent économiquement à rester ouverts. Ils accueillent souvent des artistes qui sont moins médiatisés, qui trouvent moins leur place dans les grandes institutions, parfois issus de cultures queer ou marginalisées – c’est d’autant plus important de les soutenir.
♦ Propos recueillis par Noémie Lecoq
